Texte Georgika Aeby-Demeter, photos courtoisie Wien Tourismus
Blessée, attaquée dans sa chair, Vienne reste une capitale resplendissante, un carrefour d’histoire et d’art de vivre qui force l’admiration par ses hauts faits à multiples facettes. Nous avons souhaité rendre hommage à la cité intemporelle et à sa mémoire.
Avec ses édifices spectaculaires, la capitale autrichienne figure régulièrement aux premiers rangs des classements célébrant la qualité de vie des métropoles. Centre historique et culturel reconnu, carrefour politique majeur, lieu de signature de traités importants, Vienne a durant de nombreuses années été la première destination mondiale pour les conventions et congrès … Cette sérieuse référence ne l’empêche pas de rester une ville souriante à l’accueil bienveillant, fière de son passé, prête à partager son riche héritage. Un tourisme organisé avec intelligence, des transports efficaces, des musées et monuments à portée de pas et, partout, ces petites haltes gourmandes, ces cafés traditionnels où déguster des mets de brasseries ou autres viennoiseries.
Rassemblés sur un proche périmètre, si le très populaire Musée Sissi – Elisabeth Impératrice d’Autriche – ses souvenirs et autres trésors de cour sont logés au Hofburg, juste à proximité, les Musée de l’Histoire de l’art et l’Histoire naturelle de Vienne ne manquent pas d’attraits. Ils donnent directement accès au Museumsquartier, un ensemble muséal incontournable abritant, entre autres, le Musée Leopold où, à côté des œuvres de la Sécession viennoise, se tiennent d’importantes expositions temporaires. A visiter impérativement, le Palais de la Sécession, qui rallie autour de Klimt les artistes adhérant à son nouveau manifeste artistique ! Avec un même goût prononcé pour la fonctionnalité, ils révèlent ici ce qui, jadis, était caché et s’attachent à rendre l’utile, beau ! Chefs de file de cette tendance, bousculant les habitudes esthétiques alors en faveur, ces trublions de génie imposent une autre vision … le modernisme viennois !
Chefs de file
Ils ont disparu en cette même année 1918 ! Gustav Klimt, Egon Schiele, Koloman Moser et Otto Wagner, les principaux acteurs de ce mouvement viennois qui a ébranlé les arts portant au sommet un esthétisme qui s’est propagé en Europe avant la Première Guerre mondiale. Précurseurs et figures militantes d’un élan global d’avant-garde, ils ont marqué l’histoire autrichienne entre 1890 et 1918 avec, en commun, cette fibre qui les porte vers l’excès. Une tendance au bouillonnement inspirée par l’Art nouveau et son classicisme foisonnant. En même temps, s’ils excellent dans ces courants, se plaisant à quitter les sentiers battus, ils innovent, œuvrent et entreprennent avec passion. Mariant formes et matériaux, la nouvelle vague s’adonne à une recherche mêlant grâce et technique. Abandonnant l’Olympe et ses dieux, elle prône une nudité plus réaliste que poétique… Et choque admirablement!
Gravant une empreinte indélébile, ils laissèrent des oeuvres innombrables et significatives. Ils ont quitté un monde qui s’écroulait au lendemain de la Première Guerre mondiale à l’orée de grands bouleversements sociétaux et la disparition de l’Empire des Habsbourg ! Si Wagner s’en est allé à 76 ans, Moser et Klimt à 50 et 55 ans, dernier à disparaître, Schiele n’avait que 28 ans en 1918. L’œuvre la plus connue de Klimt – un des premiers artistes à faire dissidence avec la Sécession – Le Baiser se trouve au Palais du Belvédère, tandis que le Musée Léopold présente une variété de ses paysages, dessins érotiques et peintures de grandes bourgeoises… En 2012, Vienne avait célébré avec faste les 150 ans de son artiste fétiche et commémoré en 2018, par une exceptionnelle exposition anniversaire, ses grands maitres du modernisme !
Un art riche et varié
Le Musée Léopold possède également la plus importante collection d’Egon Schiele, on peut y voir exposés de nombreux tableaux, croquis et autres objets intimes de l’artiste en compagnie d’œuvres occasionnellement prêtées en provenance de diverses collections internationales. Ecorché vif, audacieux par son style, ses sujets et son moi obsédant, l’expression artistique de Schiele – ses portraits comme ses paysages – est loin des tendances de son temps qu’il égratigne consciencieusement. Si, à première vue, son appartenance à la Sécession est peu perceptible, au gré de la découverte, l’affiliation s’impose nettement. Au registre du design et des arts décoratifs – complètement révolutionnaires – on ne peut oublier Koloman Moser, le fondateur de la Wiener Werkstätte – l’Atelier viennois, dont le parcours, également présenté en 2018 au Musée des arts appliqués MAK avec les maîtres du modernisme, est largement représenté en divers lieux à Vienne.
L’œuvre d’Otto Wagner se découvre en déambulant dans les rues de Vienne, en levant la tête et en s’approchant des portails ! La ville doit, entre autres, à cet architecte aux idées nouvelles et génie de l’urbanisme, ses stations et édifices du réseau urbain, la Maison des médaillons, celle des majoliques, l’Eglise Am Steinhof, l’inégalable Postsparkasse et la façade en aluminium du journal Die Zeit. Unique ! Si Wagner s’est brièvement inspiré de l’art nouveau et du maniérisme, il prône la fonctionnalité, les lignes droites, et l’utilisation des matériaux modernes. Sans sacrifier l’esthétique, il s’est attaché à glorifier la technique, à dévoiler et magnifier les détails…Voyant grand, bousculant les idées préconçues, il redessinait Vienne, rêvant d’une capitale moderne. Visionnaire, ses premières réalisations le rendirent célèbre, avant de déplaire par ses audaces ! Mais sa touche reste, encore aujourd’hui, indélébile !