Italie / Salento / Escapade entre deux mers

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Régal pour les yeux et la baignade.

L’extrémité sud-est de l’Italie, le Salento, dans les Pouilles, déroule ses paysages côtiers et villages typiques en un ruban poétique. Escapade printanière

Sur la côte Adriatique, Otrante, une ville pleine de charme.

Sur la côte Adriatique, Otrante, une ville pleine de charme.

Entre plages ourlées d’eaux cristallines et arrière-pays tapissé d’oliviers séculaires, villages typiques et paisibles campagnes, le Salento, dans le talon de la botte italienne, se décline en une variété de tableaux attractifs. Incursion dans une région qui, hors période estivale, charme par sa quiétude et son authenticité. Avec, en prime, une population très hospitalière et une excellente cuisine.

Le sentier côtier Cipolliane. Une invite à la balade...

Le sentier côtier Cipolliane. Une invite à la balade…

C’est un petit coin d’Italie à la population chaleureuse et aux paysages variés. Une terre rouge, fière et aride, piquée de buissons de fleurs sauvages et d’exubérants cactus. Sillonnée de murets de pierres sèches. Balayée par les vents, entre le souffle chaud du sirocco, venant du Sud, l’haleine humide du «Ponente», arrivant de l’Ouest, ou les morsures froides du «Tramontano», provenant du Nord. Une plaine sertie entre deux mers, Adriatique et Ionienne, s’épanouissant le long de 250 kilomètres de côtes baignées d’eaux émeraude ou d’un bleu profond. Un pays émaillé de villages pittoresques et d’églises, de tours de guet et de châteaux, d’anciens palais et de maisons de style mauresque, et de millions d’oliviers aux troncs noueux. Aux bras tendus dans une éblouissante lumière. Mais aussi pour certains amputés de leurs branches, victimes d’une maladie (voir encadré). Un lieu niché au fin fond du talon de la botte italienne, carrefour de différentes civilisations, appelé Salento, où vit Mateo Pepe, président de Salveturismo. «Cette structure, sans but lucratif, regroupe une trentaine d’associations et de passionnés. Nous œuvrons à la promotion de cette région des Pouilles», relève le jeune homme habitant le joli village de Salve. Pas question pour lui de quitter sa bourgade et d’immigrer comme tant de ses pairs malgré un marché du travail difficile. Le Salento bat dans ses veines. Une destination qu’il vaut mieux découvrir hors saison, comme en ce printemps ou à la fin de l’été, pour échapper à la marée de vacanciers des mois de juillet et d’août, décuplant alors le nombre de résidents. Une période aussi bien plus agréable pour déambuler dans la superbe ville ocre de Lecce, cette Florence du Sud, à l’architecture baroque foisonnante.

Un «pajare», ancienne construction paysanne.

Un «pajare», ancienne construction paysanne.

Au bout du monde

Mais quittons la ville pour gagner le littoral, terrain de nombreuses escapades. Parmi les incontournables, le sentier côtier Cipolliane, reliant Novaglie à Santa Maria di Leuca. Une superbe promenade dans un paysage de carte postale, avec vue panoramique sur l’Adriatique flirtant avec l’azur. Un chemin serpentant au milieu de la pierraille, de fleurs des champs, de plantes grasses. Passant par un «Pajare», singulier cône de pierres sèches au toit tronqué. Une construction typique de la région. «Les paysans les utilisaient autrefois comme abris et pour entreposer des outils», précise Matteo Pepe.

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Croisés sur le marché de Galliopoli, Antonio et son collègue, Ursio Marcello, vantant leurs poissons frais du jour.

Au cap de Leuca, c’est la fin des terres émergées. C’est du moins ce que l’on croyait jadis comme en témoigne l’inscription sur le fronton de la basilique fortifiée Santa Maria «De finibus terrae» (Sainte Marie de la fin du monde), bâtie sur un promontoire, surplombant les eaux de l’Adriatique et la Ionienne, où elles se marient. A côté, se dresse un phare, construit en 1866. Impressionnante flèche octogonale caressant le ciel du haut de ses 47 mètres. L’esplanade et son sanctuaire, éclaboussés de lumière, vibrant aux sons d’un puissant carillon, aimantent ce jour-là un groupe de religieuses en visite. Des sœurs marchant dans les pas de pèlerins qui convergeaient jadis de l’Europe entière vers cette ultime destination qui aurait été foulée par Saint Pierre, arrivant alors de Palestine… Le point d’orgue d’une route empruntée surtout au 17e siècle et traversant aussi le village de Barbarano.  «C’était la dernière étape avant l’objectif final. Ici, un vaste complexe a été construit pour accueillir les croyants», explique Marco Cavalera, partenaire de Salveturismo, montrant, sous l’église Piccola Leuca du 16e siècle flanquée d’un imposant porche, un hypogée abritant des puits et un dortoir pour les plus riches d’entre eux. Et, à côté, des vestiges d’une écurie et d’un marché… Guide passionné, le jeune homme conduira aussi une excursion dans la campagne salentine. Un voyage dans le temps, en pleine préhistoire, à la découverte de fossiles et sédiments.

La Torre Pali, vestige d’une tour de guet, sur la côte ionienne.

La Torre Pali, vestige d’une tour de guet, sur la côte ionienne.

 

Fabuleux arbre de vie

Autres atouts sur la carte de visite du Salento, les incontournables Gallipoli et Otrante. Baignée par la mer ionienne, la première localité porte bien son nom grec de «belle ville», donné par les Spartiates au 8e siècle. Un pont relie le bourg moderne aux quartiers historiques, bâtis sur une île. Sentinelle contrôlant le port, le château-fort d’origine angevine participe à l’identité même de la bourgade comme sa cathédrale baroque du 17e siècle, dédiée à Sainte Agata et abritant de nombreuses fresques, et une fontaine de style hellénistique. La souriante et vivante cité aux nombreuses échoppes, au pittoresque marché de poissons où les vendeurs vantent à tue-tête leurs prises dans le dialecte salentin, est aussi connue pour avoir été, au 18e siècle, la première exportatrice d’huile d’olive de l’Europe. Un or jaune qui servait alors à l’éclairage. La visite d’un ancien moulin souterrain du 17e siècle permet de se faire une idée des techniques de fabrication du précieux combustible où hommes et animaux actionnant la meule trimaient durement.

Présentant des similitudes avec Gallipoli, Otrante et son château de forme pentagonale, sur la côte est, n’a rien à lui envier. La ville se révèle néanmoins plus paisible et mystérieuse. Et conserve, en son coeur, les stigmates d’une page douloureuse de son histoire. «Assiégée par les Turcs en 1480, la population s’est réfugiée dans sa cathédrale où, refusant de se convertir, elle a été massacrée», raconte Jean-Lucas Tonti, travaillant lui aussi avec Salvetourismo. «Un an plus tard, les Espagnols ont libéré la bourgade et découvert les corps conservés des 800 habitants martyrs, canonisés en 2013 par le pape François.» Leurs ossements et crânes restent visibles dans l’édifice, aussi renommé pour son extraordinaire mosaïque recouvrant le sol, œuvre du moine Pantaleone (1166). Un énigmatique arbre de vie, s’élançant le long de la nef, entouré de personnages des Evangiles, de la chevalerie, de symboles et d’animaux fabuleux… – entre licorne, roi Arthur, reine de Saba, figue de la connaissance … – qui n’a pas fini de titiller l’imaginaire.

Autant d’occasions offertes par le Salento, d’une mer à l’autre, de nourrir son regard mais aussi son palais, la cuisine locale se déclinant en une série de spécialités simples et goûteuses, sans oublier de délicieux crus. Et, olives sur le gâteau, un accueil chaleureux qu’un simple «benvenuto» ne suffit à résumer…

Sonya Mermoud

Plus d’informations: www.salveturismo.it


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Oliviers en péril

Des arbres décharnés, amputés de leurs branches. Des feuilles argentées virant au brun maladif. Des troncs rabougris… Depuis 2013, une méchante bactérie, la Xyllela fastidosia, jamais observée en Europe par le passé, attaque les oliviers du Salento et provoque leur rapide dessèchement. Un fléau mettant en péril la survie de nombre d’oléiculteurs. «Des millions d’arbres sont touchés. Dans certaines régions, les pertes sont énormes. Pour tenter d’éviter la progression du virus, les oliviers atteints sont taillés, leurs branches brûlées», explique Matteo Pepe, de Salveturismo. Insuffisant toutefois pour éradiquer l’épidémie. Une problématique qui, au-delà de son impact économique touche à l’identité même du Salento, l’olivier étant emblématique de ses paysages et un symbole fort de ses cultures et traditions. «Une grande douleur pour notre terre.»

SM


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