Par René Hug
Le facteur, c’est l’hélicoptère !
Le jour vient à peine de se lever, nous nous trouvons à l’héliport d’Aberdeen, une ville située au nord de l’Ecosse. Au sol, de nombreux hélicoptères sont prêts au départ. Les uns appartiennent à une compagnie privée,
Bristow, les autres à British Airways Helicopters, une filiale de la grande compagnie aérienne britannique.
A eux tous, ils ravitaillent jour après jour, les 39 plateformes de pompage pétrolier situées en mer du Nord, stations qui, demain, seront plus nombreuses encore puisque le produit de leurs activités fournit aujourd’hui près du 50% des besoins de la Grande-Bretagne et que, d’ici quelques années, on pourrait bien arriver au 100%. Le rôle des hélicoptères est d’apporter le courrier et d’autres marchandises et d’acheminer sur place les ouvriers qui ont passé quelques jours de congé sur terre ferme.
C’est à bord d’un Sikorsky S-61 N de British Airways Helicopters que nous prenions l’air, revêtus d’une combinaison orange, aux côtés des ouvriers se rendant sur la plateforme MCP-01. Cet hélicoptère est immense. D’une capacité de 26 passagers, il est équipé de deux turbines General Electric
CT58-140-1. Ce fut d’abord le survol des côtes du nord de l’Ecosse, puis la mer, la mer à perte de vue pendant près de deux heures de vol, avant d’apercevoir la plateforme, sur laquelle nous ne tardions pas à nous poser. Là-bas, on sentait combien l’arrivée de l’hélicoptère était un lien important avec la vie de tous les jours pour tous ces hommes qui travaillaient à quelques centaines de kilomètres des côtes. Un détail intéressant : lors du décollage d’Aberdeen, les hélicoptères roulent au sol le long des voies d’accès pour prendre l’air sur la piste principale de l’aérodrome, comme le ferait un avion conventionnel. Cette solution a été adoptée pour éviter un mélange du trafic des avions avec celui des hélicoptères, ces derniers étant fort nombreux à effectuer des liaisons au départ de l’aérodrome écossais.
De MCP-01, nous sommes repartis pour d’autres destinations, parfois des plateformes en pleine mer, parfois pour livrer le courrier sur des bateaux ancrés près de la construction de nouvelles plateformes.
Partout, la liaison de l’hélicoptère était considérée par les équipages comme une routine. Ces derniers effectuent un nombre d’heures de vol relativement restreint. Le rythme quotidien est en principe de cinq heures, mais ils sont autorisés à en effectuer un maximum de huit par jour. L’activité des hélicoptères se déroule 24 heures sur 24. De plus, les machines à voilures tournantes sont également responsables de I’Air Rescue, un service de sauvetage et d’évacuation sanitaire assurant la protection sanitaire de tous les ouvriers en service sur les différentes plateformes situées entre les côtes de l’Ecosse et celles de Norvège, relativement proches.
Il a été reconnu que l’activité de ces plusieurs dizaines de S-61 N en mer du Nord est réellement la plus importante existant au monde pour des hélicoptères civils. En un an, British Airways Helicopters a transporté plus de 80.000 passagers, ce qui prouve bien l’utilité de ces liaisons qui existent depuis plus de trente ans.
Un détail curieux : tout au long de ces vols,d’une côte à l’autre de la mer du Nord, les oiseaux évoluaient au -dessous de la trajectoire des hélicoptères. Ceux-ci volant, eux, à une altitude variant entre 100 et 300 m, suivant les conditions météorologiques.
Les Sikorsky S-61 N sont des hélicoptères amphibies, nous avons demandé aux dirigeants de British Airways Helicopters pourquoi ils ne se posaient pas sur l’eau. La réponse est simple : l’eau de mer endommage la peinture des appareils, !’amerrissage est réservé aux cas extrêmes, mais ce n’est qu’une chose très rare.
En conclusion, relevons l’impression de très grande sécurité qui règne à bord de ces appareils, la précision de la préparation de chaque vol et la bonne camaraderie qui règne entre les équipages des hélicoptères et le personnel ces plateformes. Une journée en pleine mer à bord d’un hélicoptère permet de découvrir des centaines de choses extraordinaires, tant sur le plan aéronautique que dans le domaine de la recherche pétrolière, sur les plateformes ancrées au fond de la mer 140 m plus bas, c’est une expérience extraordinaire qui met en relief une activité aéronautique indispensable au développement industriel d’une région inattendue dans un décor très particulier.
Une fois de plus, l’hélicoptère est roi là où d’autres moyens de transport n’auraient jamais permis de réaliser de tels progrès à des centaines de kilomètres de la terre ferme.
René Hug / Ailes romandes / Novembre 1976