Méconnue chez nous, l’Arménie possède pourtant beaucoup d’atouts à découvrir. Un an après la Révolution de velours, l’espoir grandit de voir le tourisme se développer dans la patrie de Noé.
Texte et photos: Réane Ahmad
Lorsque l’on évoque l’Arménie, deux idées viennent à l’esprit : Charles Aznavour et le génocide arménien. Et c’est à peu près tout ! Or ce pays du Caucase mérite que l’on s’intéresse davantage à ses atouts : la vie animée de sa capitale Erevan, l’hospitalité chaleureuse de ses habitants ainsi que la richesse de son histoire et de son patrimoine.
En mai 2018, l’Arménie est entrée dans une nouvelle phase après sa Révolution de velours, mouvement national qui marque pour certains la sortie de l’ère post-soviétique. Une réponse à la corruption des élites et à la pauvreté, dans un pays où le salaire moyen se situe à quelque 300 francs par mois. Ce changement politique est porteur d’espoir pour tous, notamment en matière de développement touristique.
Bouillonnante Erevan
Sans renier un passé mouvementé et douloureux, les habitants d’Erevan font preuve d’une joie de vivre perceptible de jour comme de nuit. Parcs publics, fontaines, terrasses de café et clubs de jazz animent le centre-ville de la capitale d’1 million d’habitants. Les constructions de tuf, pierre volcanique, valent à Erevan son surnom de « Ville rose ».
A ne pas manquer, une promenade sur la rue Abovyan qui débouche sur l’imposante place de la République, ainsi qu’une montée des 572 marches de la Cascade, monument des années 70 qui abrite un centre d’art contemporain.
Bâtiment incontournable, le Matenadaran recèle quant à lui un trésor inestimable de 18’500 manuscrits dont 14’500 en alphabet arménien (créé en 405 par Mesrop Mashtots). La collection de manuscrits est d’une grande diversité, allant d’anciens parchemins à la Bible, en passant par la littérature grecque, scientifique ou artistique. Cet Institut de recherches et Bibliothèque est inscrit au registre Mémoire du Monde de l’UNESCO.
Immanquable également, un passage au Tsitsernakaberd, Fort aux hirondelles, permet d’appréhender la profonde tragédie ancrée dans la mémoire collective arménienne.
Entre 1914 et 1923, près d’1,5 million de personnes périrent sur ordre des Jeunes-Turcs. Sobre, le Mémorial symbolise une pierre tombale ouverte comme une plaie, qui ne se refermera que lorsque la Turquie reconnaîtra le génocide. Une flèche de 44 mètres de haut représente la renaissance de la nation arménienne, fendue en deux entre les Arméniens au pays (3 millions) et la diaspora répartie dans le monde (7 millions). Sur tout le site résonnent des chants poignants écrits à l’occasion du centenaire du génocide. Chaque 24 avril, tous les Arméniens se pressent au Mémorial pour y déposer des montagnes de fleurs autour de la flamme.
Aux origines du catholicisme
En 301, l’Arménie devint le premier Etat à adopter le catholicisme comme religion officielle. Proche d’Erevan, le Monastère de Geghard aurait été fondé du temps des premiers Chrétiens au IVe siècle. Classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO, il a pour particularité d’être creusé à même la roche et de présenter une partie souterraine où les prêtres s’exercent pour leur liturgie. De nombreux khatchkars (pierres à croix) y sont visibles. Y aurait vécu Saint Grégoire L’Illuminateur, qui évangélisa l’Arménie et fut le premier Catholicos, patriarche de l’Eglise arménienne. Le monastère devint un haut lieu de pèlerinage, en raison des reliques de la Sainte Lance et d’un fragment de l’Arche de Noé qu’il abritait.
Aujourd’hui, cette Sainte Lance est exposée dans le complexe religieux d’Etchmiadzin, siège de l’Eglise apostolique arménienne, inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le « petit Vatican » abrite un parc, plusieurs églises et un musée. La magnifique cathédrale Sourp Etchmiadzin, plus ancien édifice chrétien arménien, est actuellement fermée pour rénovations. Non loin de là, le site archéologique de Zvartnots vaut aussi le détour. Il comprenait un grand palais de 80 mètres de haut, détruit par un tremblement de terre.
Sud du pays
Direction le sud pour rejoindre le Monastère de Khor Virap, premier lieu saint de l’Arménie chrétienne. Au IVe siècle, le roi Tiridate persécuta les Chrétiens et y fit jeter le futur Grégoire L’Illuminateur treize ans dans une fosse (Khor Virap signifie puits profond). Or, lorsque le roi tombe malade, Grégoire fut le seul capable de le guérir. Il le convertit alors au christianisme… Si la vision du Mont Ararat (5165 mètres) est superbe depuis le monastère, elle rappelle aussi les tensions toujours existantes avec la Turquie concernant ce territoire historiquement arménien.
Dans la région de Goris, le complexe monastique de Tatev datant du IXe siècle se révèle lui aussi être un bijou (1537 mètres). Pour rejoindre cette université médiévale autrefois difficilement accessible, on emprunte depuis 2010 le plus long téléphérique à va-et-vient du monde sur 5,7 kilomètres.
De construction suisse (Doppelmayr -Garaventa), les « Ailes de Tatev » offrent une vue à couper le souffle sur les gorges de la rivière Vorotan et les montagnes. Ne pas hésiter à monter dans un taxi (1000 drachmes) pour rejoindre un superbe point de vue sur le monastère !
Nord du pays
Faisant deux fois et demie la taille du lac Léman, le lac Sevan éblouit par la couleur azure de ses eaux. Plus grand lac de montagne du Caucase, il fait office de véritable mer intérieure et couvre 5% de la surface de l’Arménie. L’une de ses péninsules est dominée par les monastères de Sevanavank et Hayravank. A voir également le cimetière de Noradouz, qui compte 728 khatchkars du IX-Xe au XVI-XVIIe siècles (pierres à croix).
Au Nord-Ouest du pays, la deuxième ville du pays, Gumri, est encore largement meurtrie par le terrible tremblement de terre de 1988.
D’une magnitude de 6,9 sur l’échelle de Richter, cette catastrophe emporta quelque 25’000 à 30’000 personnes et détruisit 60% de la ville. Les ruines toujours présentes ici et là en témoignent, tout comme la statue en hommage aux victimes érigée devant l’Eglise principale, dont l’intérieur est condamné. La corruption a fortement ralenti la reconstruction. Mais depuis la révolution de 2018, les travaux reprennent peu à peu.
Une statue de Charles Aznavour trône au centre-ville, en remerciement au chanteur venu sur les lieux du drame pour porter secours aux victimes. Sous son impulsion, des personnalités françaises levèrent des fonds grâce à la chanson Pour toi Arménie.
Mille et une saveurs
La gastronomie arménienne, simple et savoureuse, séduit les amateurs de viande tout comme les végétariens.
Le lavash, pain traditionnel cuit dans un tonir, et les herbes fraîches accompagnent tous les plats, présentés simultanément sur la table. L’une des préparations les plus étonnantes à découvrir est le kufte d’Etchmiadzine, morceau de bœuf broyé et battu pour en faire une pâte.
A Gumri, l’un des lieux à la mode à ne pas rater à est le café Herbs & Honey, fondé en 2017 par Artush Yeghiazaryan. Cet Arménien ayant vécu dix-huit ans à Genève y propose un doux mélange entre la cuisine arménienne et suisse ! Au travers de son projet et de l’association Building an Alternative Future (www.alternativefuture.ch), il soutient les communautés rurales dans le développement durable.
Dans les montagnes alentours, le quadragénaire caresse le rêve de fonder une ferme et une fromagerie inspirées du modèle helvétique.
Le berceau du vin
Les connaisseurs ne résisteront pas à une dégustation de cognac arménien (brandy) et à une visite de la fabrique Ararat à Erevan. Consacrés aux vins doux sous l’ère soviétique, les vignobles arméniens donnent aussi à présent une belle palette de breuvages, dont des cépages autochtones (areni, voskehat, etc.). Leur qualité est en constante amélioration, grâce au remarquable dynamisme des vignerons. En mai, les Journées du vin proposent plus de 200 sortes de vins et attirent quelque 25’000 personnes à Erevan.
Pas si étonnant pour un pays considéré comme le berceau du vin. Selon la légende biblique, Noé y planta en effet la première vigne après le déluge.
Mis à jour il y a une dizaine d’années seulement, les vestiges archéologiques d’Areni constituent une fantastique découverte, avec la présence d’un pressoir vieux de plus de 6000 ans et de pépins de raisin. C’est non loin de là que se trouve le vignoble de la maison suisse Schuler, qui produit le vin Noah of Areni.
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Office du tourisme pour les pays francophones : www.destination-armenie.fr