Viens poupoule, viens poupoule….

image002922E9CE6-864D-499F-AA12-806205EF36E9La Bresse, seule région au monde à bénéficier d’une AOC-AOP, organise chaque année les Glorieuses de Bresse. Il s’agit d’un concours unique, créé en 1862, qui se déroule dans quatre localités pour consacrer la meilleure volaille au socle génétique de l’AOC volaille de Bresse.

Texte et photos: Nina Brissot, de retour de Bourg en Bresse

N’est pas volaille de Bresse qui veut ! Il s’agit là d’un race gauloise blonde aux pattes bleues aux plumes blanches et à la crête bien rouge. Toutes sont issues du Couvoir de Béchanne à St Etienne du Bois dans l’Ain qui travaille au renouveau des races. Elle est génétiquement acclimatée à l’humidité qui caractérise le bocage de ces régions si proches de la Suisse. La Bresse produit un peu plus d’un million de volailles par année. Un certain nombre participent aux Glorieuses de Bresse qui se déroulent chaque année à la mi-décembre à Montrevel-en-Bresse, Bourg-en-Bresse, et Pont-de-Vaux, dans l’Ain, ainsi que Louhans, localité du département voisin de Saône et Loire.

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Une vie choyée

A peine sorti de sa coquille, le poussin commence sa grande aventure. Le premier jour est un peu rude. Des mains humaines, grandes pour ces bébés, les happent, leur tourne la tête vers le bas, passent un pouce adroit sur leur postérieur et les reposent à gauche ou à droite, suivant qu’elle sont munies de coucougnettes ou pas! Ce qui donnera un poulet ou une poularde, le chapon viendra plus tard. Les grands experts de ce genre d’exercice s’appellent des sexeurs. Les plus habiles sont Japonais et plusieurs travaillent au Centre de sélection de Béchanne. Cette frayeur passée, les poussins sont réunis par bandes de 500, nourris au petit lait et c’est là que les éleveurs viennent acheter. Deux, trois, cinq bandes ou plus suivant l’étendue de la ferme. Car pour élever ces chères volailles, les exigences sont multiples et régies par une charte. Notamment, chaque spécimen doit bénéficier d’un espace en plein air de 12 m2 de parcours herbeux où il peut se promener, picorer, voler et courir à sa guise.

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Loin les coucougnettes

Un petit tour à la ferme de Joël Billet, l’un des éleveurs participant aux Glorieuses de Bresse permet de se rendre compte des conditions de vie de ces volailles. Au départ les poussins sont nourris au petit lait et aux céréales dont le fameux maïs blanc, cultivé sur place, qui donne à la chair cette belle couleur beige. Puis en plein air, ils se délectent de ce que leur offre la nature. Une nouvelle épreuve attend toutefois certains mâles qui, pour devenir chapons, seront eunuques. Donc lorsqu’il a batifolé dans la nature pendant 8 semaines, le jeune mâle se fait attraper et hop, en un tour de main, le sexeur lui coupe ses coucougnettes qui sont à l’intérieur du corps. Une opération assez délicate. Une fois castré le chapon va continuer sa vie de pacha mais il va prendre un peu d’embonpoint et sa chair sera plus tendre. Il vivra entre 8 et 9 mois, contre 5 mois pour les poulardes et 4 mois pour les poulets. Cela dit, à jouer les vagabondes et s’amuser comme des petites folles, ces volailles ne sont pas bien épaisses. Vient alors pour elles, le temps des épinettes. Il s’agit de cages en bois, munies de barreaux dans lesquelles les volailles sont installées séparément les 2 à 3 dernières semaines de leur vie. Plus d’envolées, mais de la sédentarité avec du maïs et des céréales ainsi que de l’eau et du petit lait à profusion. C’est là que les volatiles se mettent en chair. Et puis la vie étant ce qu’elle est pour les volailles comme pour les bipèdes, un beau matin, le gentil éleveur va venir la chercher en lui parlant doucement. A moitié endormie encore, elle ne se doutera de rien et … chhtak, un étourdissement électrique va la faire passer au paradis des volailles sans le moindre stress qui serait nuisible à la qualité de sa chair.

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Emmaillotage

Commence alors un long travail pour l’éleveur qui met sas volaille dans une machine pour lui retirer les plumes mais en gardant la tête et les plumes du cou qui seront lavées et passées au foehn de manière à ce qu’elles s’épanouissent en corole blanche, les viscères seront enlevés mais ni le foie, ni l’estomac, ni les poumons, ni le fiel, ce sera le travail de la cuisinière. Le corps qui doit prendre une forme de ballon de rugby sera brossé, épilé à la pince, nettoyé de toute marque puis emmailloté dans une pièce de lin ou de coton en serrant les chairs pour qu’elle se persille entre viande et graisse. La toile sera cousue d’un minimum de 15 points afin de bien serrer le tout, et les chairs resteront prisonnières de la toile plusieurs jours mais au minimum 48 heures.

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Le jury doit faire son choix entre 700 volailles exposées lors de cette première journée.

 Les glorieuses

Entre 4h et 5h du matin, chaque éleveur viendra installer sa poularde, son chapon ou d’autres volailles, démaillotés en dernière minute, dans une halle, sur un coussinet pour la caler bien alignée. Il va la décorer d’un ruban de couleur suivant son genre. A 7h, la salle doit se vider et le jury, présidé par Georges Blanc, le triple étoilé de Vonnas va faire sont entrée et choisir les pièces dignes de remporter les glorieuses. Le jury est composé de professionnels de l’interprofession. Cette année, Georges Blanc avait invité un certain nombre de grands chefs Relais et Châteaux et même Florent Pagny. Le concours se poursuit sur 4 jours et dans tous les restaurants de la région, la carte met en avant ses poulardes de Bresse en bleu (les pattes) blanc (les plumes), rouge (la crête). Cocorico!

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Georges Blanc, triple étoilé Michelin était au Glorieuses de Montrevel, accompagné du Jury et de plusieurs chefs

Et puis, la vie étant ce qu’elle est, un beau matin, le gentil éleveur va venir la chercher en lui parlant doucement…

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