Au-delà de ses free-shops, la principauté des Pyrénées offre une vaste palette touristique et culturelle
Textes et photos: Pascal Fleury
Publié dans La Liberté du 17 mai 2017. Voir ou télécharger l’article…
Pyrénées – Lovée intimement entre la France et la Catalogne, la principauté d’Andorre est souvent perçue comme le paradis du shopping détaxé. Mais pour qui s’éloigne des sentiers battus de la consommation, ce passage ancestral à travers les Pyrénées révèle des atours autrement plus séduisants que les interminables rayons de spiritueux ou de cigarettes des supermarchés.
Entre vallées profondes et montagnes ensoleillées, le petit Etat indépendant offre une vaste palette d’activités touristiques et culturelles. Pour le voyageur pressé de rejoindre les plages espagnoles ou portugaises, il propose une halte bienfaisante, alliant restauration et détente dans l’immense centre thermoludique de Caldea, dont la tour de verre acérée, haute de 80 m, illumine comme un phare les nuits d’Andorre-la-Vieille.
Marché artisanal
Profitant d’une offre hôtelière adaptée à toutes les bourses, le visiteur de passage prolonge volontiers son séjour par la découverte du bourg moyenâgeux de la capitale, ses ruelles pittoresques, ses terrasses animées, son église romane Sant Esteve.
Traversant un joli marché artisanal, il déguste la Ratassia de la Carmeta, une liqueur aussi douce que le sourire de la marchande. Concocté à base de noix et de plantes médicinales cueillies à la main dans les montagnes andorranes, cet élixir aurait des vertus digestives appréciables. L’idéal après s’être gavé aux stands de saucisses et de fromages du pays! Inutile en revanche de chercher ici des sucreries locales, elles sont toutes d’inspiration catalane.
Au détour des rues piétonnes, les amateurs d’arts sont interpellés par les sculptures intrigantes de Salvador Dali ou de Jaume Plenza. Et par quelques œuvres contemporaines de la biennale Land Art. Sur le versant de la montagne, la figure énorme d’un migrant portant son enfant, réalisée par l’artiste Marc Sellarès, questionne le public, dans ce pays qui emploie plus de 6000 saisonniers dans le tourisme.
Renouveau viticole
Les passionnés de vin ne manquent pas d’escalader le coteau jusqu’à 1200 mètres d’altitude, à la rencontre de l’un des quatre vignerons du pays qui, depuis quinze ans, ont relancé courageusement la viticulture disparue à la fin du XIXe siècle en raison du phylloxéra.
«Notre père n’y croyait pas, quand nous avons commencé à élever la vigne sur ces pentes de 70%. Nous avons maintenant 5000 ceps et nous écoulons 90% de notre production sur place», se réjouit Cristina Tor Armengol, qui nous reçoit sur les hauteurs de Sant Julià de Lòria, à quelques kilomètres au sud de la capitale. Le domaine familial Casa Auvinyà s’est concentré pour l’instant sur quatre cépages: viognier, alvarinho, syrah et pinot noir.
La vigneronne ne cache pas que ce printemps, le gel a sévi comme en Suisse. Mais les dégâts semblent limités, dans cette région profitant des courants remontant de Méditerranée. Pour protéger les pieds de ceps du froid hivernal et de la sécheresse en été, elle les couvre de paille. Un procédé semble-t-il assez efficace.
Andorre accueille 8 millions de visiteurs par an, alors que le pays ne compte que 78.000 habitants. «Le tourisme est la principale industrie d’Andorre, avec des retombées directes et indirectes correspondant à 60% du PIB», se réjouit Enric Torres Arauz, directeur commercial à l’Office national du tourisme.
Les vacanciers trouvent leur bonheur surtout en altitude, les Pyrénées andorranes culminant à 2942 m. En hiver, trois domaines skiables, dont Grandvalira, la plus importante station du massif avec 210 km de pistes, fournissent toute la gamme des sports de neige.
En été, c’est la randonnée qui a la cote, avec toute une liste d’itinéraires, y compris dans trois parcs naturels riches en espèces rares. Depuis cette année, un circuit balisé permet de faire le tour du pays en altitude (90 km effort), avec bivouacs dans quatre gîtes gardés.
Le pays des passeurs
Andorre n’a cependant pas attendu l’explosion du tourisme, dans les années 1970, pour tracer ses chemins muletiers. De tout temps, le pays a été un lieu de passage et de refuge. Durant la Seconde Guerre mondiale, il a permis à de nombreux juifs, résistants et autres aviateurs de fuir la France occupée, grâce à l’aide de réseaux d’évasions et de passeurs.
De nos jours encore, les sentiers montagnards sont empruntés par des contrebandiers de cigarettes, que pourchassent des douaniers déguisés en touristes. Un véritable «sport national», si l’on en croit le Musée du tabac de Sant Julià de Lòria, qui raconte l’époque où Andorre comptait dix fabriques de tabac. Aujourd’hui, les douaniers des pays voisins restent vigilants. Selon eux, deux tiers des cigarettes passeraient encore au noir. Et chaque touriste serait un contrebandier en puissance!
Le cadeau princier de Charlemagne
au président Emmanuel Macron
Pour comprendre l’histoire bien particulière de la principauté d’Andorre, rien ne vaut une visite de la Casa de la Vall (la Maison de la Vallée), dans le bourg d’Andorre-la-Vieille. Construite en 1580, cette bâtisse rectangulaire typique, habillée de pierre locale, abrite depuis 1707 la salle du Conseil général, le parlement du pays. Sur le mur du fond, deux portraits intriguent le visiteur: celui de l’évêque catalan d’Urgell, Joan Enric Vives, et depuis dimanche, celui du président de la France, Emmanuel Macron.
Notre guide nous éclaire. Selon la tradition, Charlemagne aurait accordé une charte d’indépendance aux Andorrans pour les récompenser de leurs combats contre les Maures. Les comtes d’Urgell, côté catalan, et de Foix, côté français, convoitent dès lors tous deux le territoire. Mais ils finissent par s’entendre. En 1278, ils signent une convention appelée «paréage», donnant au pays sa forme politique très originale et toujours actuelle de «coprincipauté».
A travers les siècles, le coprince catalan est resté l’évêque d’Urgell, tandis que le titre de coprince de Foix est passé à la couronne de France puis au président de la République. Un héritage d’autant plus étonnant que le petit Etat n’est pas membre de l’Union européenne!
Selon la Constitution andorrane approuvée en 1993, les coprinces d’Andorre ont pour fonctions de convoquer les élections générales, d’accréditer les représentants diplomatiques, de sanctionner et promulguer les lois. «Leur rôle est surtout protocolaire», précise Enric Torres Arauz, directeur commercial à l’Office national du tourisme. «Il suffit qu’un des deux coprinces ratifie une loi pour qu’elle entre en vigueur. La loi sur les unions civiles, par exemple, n’a pas été signée par l’évêque d’Urgell…» Dans les faits, la coprincipauté est gouvernée par un cap de Govern, Antoni Marti Petit, et des ministres. Le parlement compte 28 membres, représentant paritairement la population du pays et les sept communes d’Andorre, appelées en l’occurrence «paroisses». On n’est pas à une bizarrerie près!
> S’y rendre
Andorre offre une halte idéale sur la route de l’Espagne. Pour les vacances, il est possible de s’y rendre aussi en avion, en atterrissant à Barcelone ou Toulouse. Compter 2 h 30 de bus navette.
> Se loger
Avec 8 millions de nuitées par an, Andorre est bien équipée: hôtels, auberges de jeunesse, apparthôtels, gîtes: il y en a pour toutes les bourses. Notre coup de cœur: l’hôtel Plaza Andorra, dirigé par… un Suisse!
> Tout savoir
LEGENDES PHOTOS
Au centre d’Andorre-la-Vieille, la sculpture de Salvador Dali, La noblesse du temps (1977), est devenue le lieu de rendez-vous des touristes, avant la dégustation de liqueurs au marché artisanal ou la visite de la salle du parlement.
Au-dessus de Sant Julià de Lòria, les vignes de Cristina Tor Armengol s’épanouissent sur le coteau d’un hameau de style traditionnel en bois et pierre locale.