Par Georgika Aeby-Demeter
L’inauguration du Canal de Panama agrandi d’un 3e jeu d’écluses était prévue pour 2014 à l’occasion du centenaire du célèbre édifice. Repoussée pour diverses raisons techniques et financières, l’entrée en fonction annoncée successivement en avril et mai 2016 a finalement eu lieu le 26 juin.
Le Canal de Panama qui a célébré ses cent ans en 2014 reste pour le pays une fierté et une préoccupation majeure. Si cet époustouflant ouvrage – monument d’ingénierie souvent désigné comme pharaonique – a changé la face du monde par un passage reliant les océans Atlantique et Pacifique, il a également bouleversé la route du commerce maritime mondial entre l’Amérique latine, l’Europe et l’Asie. Depuis l’existence du Canal de Panama, de la côte est de l’Amérique du Nord vers la côte ouest, le parcours se réduit à 9 000 km, alors que le voyage initial, contournant l’Amérique du Sud par le Cap Horn, ne compte pas moins de 22 500 km !
Nécessité oblige
L’actuelle exigence exponentielle du trafic (5% de l’échange maritime mondial passe par le Canal de Panama) et l’alternative de divers plans de routes lancées par la concurrence ont lourdement pesé sur la décision du gouvernement panaméen. Révélé nécessaire et déterminant pour la croissance du pays, le projet d’augmentation de la capacité du canal a fait l’objet d’un référendum largement plébiscité par les panaméens. L’élargissement du canal s’est ainsi imposé afin d’accueillir des navires de tonnages de plus en plus importants et, à ce jour, il est même fortement envisagé une future mise en œuvre d’un 4e projet d’écluses …
Outre son intérêt commercial, le Canal de Panama est une attraction touristique passionnant les visiteurs. Regroupés sur une terrasse en hauteur, ils assistent avec curiosité – et émerveillement – à ce gigantesque ballet marchand découvrant l’Homme et la Machine en une chorégraphie minutieusement réglée ! Dans son ensemble, l’édifice se compose d’un lac artificiel et d’écluses – Gatun, Miraflorès et Pedro Miguel -. C’est la mesure – longueur, largeur et profondeur – de ces écluses qui régule la dimension des navires s’y taillant le passage. Calqué sur des normes imposées, jusqu’à présent le plus grand format de navire admis empruntant le canal, le Panamax représentait une capacité de 5000 conteneurs.
Avec les travaux réalisés, désormais de super porte-conteneurs les post-Panamax serrent les rangs avec une capacité d’environ 12 000 à 15 000 conteneurs. Les bâtiments parcourant les 80 km du canal en huit ou dix heures côtoient les yachts privés qui, comme les cargos, ont ici droit de passage. Les plus petits bateaux sont guidés par des amarres tenues à la main, tandis que les plus gros se font tracter par des mulas, ces petites locomotives sur rail installées sur les murs des écluses. Si la première mention d’un canal à travers l’isthme de Panama date du XVIe siècle à l’initiative d’un Charles Quint soucieux de ses navires voguant au Pérou et en Equateur, l’Histoire en a retenu d’autres et, notamment, les tentatives infructueuses esquissées par l’Ecosse en 1698.
Des débuts tourmentés
Sous des conditions climatiques inhospitalières, en définitive, c’est une voie ferrée transcontinentale qui vit le jour en 1855 stimulée par la ruée de l’or en Californie. La ligne favorisant le commerce, le transport de matériel et de personnes, le mouvement en faveur d’un canal se renforce réaffirmant le premier pas concret vers un projet de passage. C’est le succès du Canal de Suez, sous la direction de Ferdinand de Lesseps, qui allait tout déclencher. Enfin, le 1er janvier 1882, la construction d’un canal s’amorce bel et bien au Panama. D’épisodes malencontreuses en difficultés techniques, sanitaires et environnementales, si Gustave Eiffel sauve un temps le projet en proposant un système d’écluses, il ne saura pas éviter l’écueil financier et la mise en faillite de la compagnie en 1889.
A la suite de l’échec de la Compagnie nouvelle du Canal de Panama, c’est au tour des Etats-Unis de reprendre le flambeau avec l’acquisition des droits de construction et d’exploitation du Canal de Panama. Le Traité Hay-Bunau -Varilla en 1903 concrétisait ainsi l’accord établi un an plus tôt faisant du canal un projet officiel du gouvernement américain et, de la zone du canal, une concession par le gouvernement panaméen aux USA. C’est le corps d’ingénieurs de l’armée américaine qui mit en chantier les travaux qui, selon l’Association américaine des ingénieurs en génie civil, fit du Canal de Panama la septième merveille du monde moderne ! Inaugurée en 1914, la zone du canal sous administration américaine reviendra finalement dans le giron institutionnel du Panama en 1999.
Marque de succès, depuis son ouverture, avec en moyenne 40 cargos défilant par jour, le canal est un passage stratégique incontournable de la navigation. Près de 14 000 navires ont ainsi transporté plus de 200 millions de tonnes de cargaison en 2005 abordant 1700 ports de 160 pays ! Imposés par l’Autorité, les droits de passage dans le canal sont basés sur le type de bateau, sa taille et sa cargaison. Réduit pour les petits navires, les bateaux acquittent un droit selon leur tonnage correspondant à des volumes de 100 pieds cubes.
Environnement
Pour les scientifiques, la formation de l’isthme de Panama a naturellement induit sur le monde des changements climatiques gigantesques. Il y a une quinzaine de millions d’années, avant sa création, la mer séparait les continents de l’Amérique du Nord et du Sud, les eaux des océans pacifique et atlantique se rejoignant librement. On doit ici l’apparition de volcans sous-marins et l’émergence de nombreuses îles au dessus du niveau de la mer au phénomène de la dérive des continents et à la collision de deux plaques tectoniques. Avec le temps, les sédiments et sols marins issus de ces bouleversements en profondeur comblèrent l’isthme, provoquant une modification de la circulation océanique entrainant la création du Gulf Stream et le refroidissement du Groenland… Et, selon toute vraisemblance restant à vérifier, aux glaciations du quaternaire !
En créant le canal, la continuité écologique de la faune et de la flore en Amérique centrale s’est trouvée interrompue. Reconnectant les deux océans Pacifique et Atlantique, après des millions d’années de séparation, hormis pour les espèces volantes et certains insectes migrateurs, la fin de l’isolement physique et biologique a été un important facteur de d’appauvrissement de la biodiversité et de dispersion d’espèces indigènes. L’entretien des installations et des navires de passage ont également contribué à la dispersion d’espèces et à la mise en suspension de sédiments dans l’eau. On est davantage conscient de ces nuisances et pollutions aujourd’hui. A cet effet, signé Gehry, le Musée de la Biodiversité est un magnifique outil d’information. Et d’étonnement. A visiter impérativement.
Texte et photos © Georgika Aeby-Demeter
Lire plus http://www.exclusifmag.com/Emagazine/panama.html Après le Panama au rythme du Canal, lire en 3 volets suivants:
–Panama Destination touristique –Panama City and more… –Panama City les environs