JE PARS TOUT PRÈS
Morat, la médiévale
28 mars 2019 | Gérard Blanc
Auteur Je pars…
Certes, Morat (Murten) se targue d’être une ville vivant dans le présent, mais tout en revendiquant ses origines historiques glorieuses avec un brin de solennité, d’où la célébration portant ce nom en commémorant la victoire des Suisses contre l’armée de Charles le Téméraire en 1476.
Certes, Morat (Murten) se targue d’être une ville vivant dans le présent, mais tout en revendiquant ses origines historiques glorieuses avec un brin de solennité, d’où la célébration portant ce nom en commémorant la victoire des Suisses contre l’armée de Charles le Téméraire en 1476.
Ville fortifiée, Morat a ce côté particulier d’être une ville de confession protestante et de langue alémanique (le bernois) dans un canton (Fribourg) à majorité catholique et francophone. Grâce à des dispositions très strictes de protection du patrimoine, il lui fut possible de préserver le caractère authentique de son centre historique.
Elle est devenue la coqueluche de beaucoup de Bernois qui l’ont choisie comme lieu de résidence principale ou secondaire sur le pourtour de son lac depuis la construction de l’autoroute A1 qui la relie aux villes environnantes.
Dès les beaux jours, les cafés sous les arcades à la Zähringen, de part et d’autre de la rue principale, ne désemplissent pas et il en va de même en contrebas, à l’embarcadère, où les files d’attente s’apprêtent à embarquer à bord d’un bateau qui les entraînera pour un tour du lac de Morat ou des trois lacs (Morat, Bienne et Neuchâtel). Au port de plaisance, les amarrages s’achètent à prix d’or pour les nombreux amateurs de voile. Sur la grève, c’est, les jours fériés, le va-et-vient des promeneurs qui, aux cris des mouettes, des canards et de poules d’eau prennent le frais et le soleil. Mais l’attraction première est celle des remparts qui, tournés vers l’est, font face à la colline du Bodemünzi, sur laquelle se massaient les troupes de Charles le Téméraire avant l’attaque de la ville. A leurs pieds, de véritables œuvres d’art sont des jardins privés. Si vous montrez patte blanche, les propriétaires vous laisseront les admirer avec une fierté non dissimulée. Ces remparts sont pris d’assaut par les familles et l’imagination des enfants va bon train, consciente ou non de ce qu’ils ont représenté au fil du temps.
Retour sur histoire
Il faut remonter à 1170, année de la construction de la ville de Morat par les ducs de Zähringen. Ils furent fondateurs de 12 autres villes tant en Suisse qu’en Allemagne, dont Fribourg, Fribourg en Brisgau, Berne, Burgdorf, Rheinfelden, Thoune, etc. Les ducs de Zähringen revendiquaient alors le fief impérial et voulaient placer Morat à l’avant-poste de leur frontière la plus occidentale.
Après l’extinction de la maison des Zähringen, en 1218, Morat se dota d’un mur d’enceinte, toujours debout, côté campagne. En 1255, la ville s’assura la protection de la maison de Savoie, protectorat qui ne fut interrompu que par une brève période de domination habsbourgeoise. Avec d’habiles alliances, Morat renforça sa position politique et militaire et en domina les villages voisins.
Comme beaucoup de villes médiévales construites en bois, elle n’échappa pas aux incendies dont le plus ravageur fut celui de 1416 qui incita la ville à la reconstruction des maisons en pierre. Grand bien lui en pris, car c’est une soixantaine d’années plus tard qu’elle dut subir le siège des troupes de Charles le Téméraire. Grâce à l’aide des troupes confédérées, les Bourguignons furent trucidés et repoussés dans le lac. On raconte que, les jours d’été, le sang des Bourguignons remonte à la surface. Ce n’est qu’une algue de couleur rouge mais l’événement n’en est pas moins glorieux pour être marqué dans les livres d’histoire associée aux deux autres défaites du duc de Bourgogne à Grandson et à Nancy.
A l’issue de la bataille de Morat, l’un des victorieux Confédérés courut annoncer la bonne nouvelle à Fribourg en brandissant un rameau de tilleul arraché sur le champ de bataille. Ce rameau donna naissance à un tilleul toujours présent au centre de la ville, à l’endroit où le messager mourut d’épuisement après avoir parcouru 6 km et 400 mètres. Pour commémorer cet exploit, la course à pied Morat-Fribourg, qu’on pourrait qualifier de semi-marathon, a lieu chaque année depuis 1907.
La célébration de la bataille de Morat donne aussi lieu, chaque année, à une célébration portant le nom de « Solennité », marquée par un cortège de jeunes filles vêtues de blanc et de jeunes « cadets » en uniforme kaki. A cette occasion, et pour affirmer les traditions historiques, un concours de tir à l’arbalète est organisé. Lors des jubilés, la parade est agrémentée d’un défilé de chevaliers en armures et de paysans en costumes du Moyen Age.