Trekking dans le Haut Atlas berbère

Ypga2b KopieLa plénitude dans l’effort et la méditation par Véronique Coppey

Le luxe : Dormir à la belle étoile lors d’un trekking dans le massif du Toubkal, au pied du plus haut sommet du Maroc. Prendre conscience de faire partie intégrante de la voie lactée, s’immerger dans cette beauté nue, cligner des yeux une dernière fois et sombrer dans la poésie d’un sommeil réparateur au milieu de l’univers, je rêve, j’ai osé.

Pourtant, je redoutais le pire : les gros chacals, les petites bêtes, les scorpions ! Les pires scénarii avaient été imaginés ! Au milieu de la nuit, je me réveille en vie ! A ma grande surprise, les constellations ont bougé. Je n’en reviens pas, aucun insecte ne s’est invité dans mon sac de couchage, le seul Scorpion que j’aperçois, scintille dans le ciel. Quel spectacle, je me sens reliée à l’univers ! Rassurée, émerveillée, je me rendors jusqu’au petit matin. La nuit aura été réparatrice. Car le premier jour de marche a  réservé quelques courbatures.

Entrée en matière tout en douceur

Après avoir quitté à l’aube la ville de Marrakech déjà en plein brouhaha, notre groupe de filles a traversé en bus la plaine d’Haouz et les gorges de Moulay Brahim pour arriver au village d’Ouirgane où nos muletiers nous accueillent avec un large sourire. Nous commençons notre trekk de cinq jours, toutes coiffées de chèches multicolores, généreusement offertes par notre guide Mohamed. Notre pas accordé au sien, lentement,  à la queue leu leu, nous  nous dirigeons vers Tikhfiste à travers des forêts de thuyas, de chênes verts et de genévriers thurifères. Dans ce village berbère, la famille d’un autre Mohamed, notre muletier chanteur et philosophe, nous ouvre grand la porte de sa maison pour nous offrir un repas de fête, composé d’une salade de tomates rouges vives et juteuses, de poivrons verts et jaunes, de concombres, de fromage et de petits piments,  d’un couscous de légumes et poulet, de biscuits agrémentés d’un bon thé de menthe fraîche. Nous voilà rassasiées et après une bonne sieste, énergiques pour continuer notre épopée jusqu’au village d’Assif Zegzaouen à 1700 mètres d’altitude où nous bivouaquons.

Leçon de yoga et méditation quotidienne 

« Inspire, Expire » ! Clémence, notre professeur de yoga nous offre une heure de méditation en plein air après cette première nuit sous les étoiles ! Tout le groupe prend part à ce moment de recentrage avec la Terre Mère avant de savourer, sous la tente berbère, assises en tailleur,  les délicieux pancakes de notre cuisinier, un troisième Mohamed !  La journée s’annonce sportive ! Le guide nous décrit le parcours : « Nous nous dirigerons vers Assoul, dans des paysages grandioses, avec une végétation très variée de plantes médicinales comme le thym et l’armoise. Vous verrez les bergeries d’alpage et nous déjeunerons au bord de la rivière. Puis nous continuerons notre randonnée pour rejoindre notre campement à 2000 mètres d’altitude, après 5 heures de marche. »

Un feu d’artifice de couleurs minérales et végétales

Oase.b. KopieEffectivement, les villages traversés offrent un dépaysement total !  Toutes les maisons en torchis sont intégrées dans le paysage, elles se confondent avec la couleur ocre de la terre. Le long de la rivière est ornée de noyers et genévriers tordus et centenaires aux cônes orangés. A plus haute altitude, seulement quelques touffes de végétation se profilent au large des bergeries et des cultures d’orge en terrasse.  Le massif du Toubkal, d’origine volcanique,  est constitué de roches de teintes très diversifiées, dont l’andésite et la rhyolite.

« Que la paix soit avec vous » !

C’est la transhumance. Les troupeaux de chèvres et de moutons bêlants redescendent en plaine. Sur le sentier, un berbère assis sur son âne croise notre chemin, casquette vissée sur la tête tenant son bâton d’une main et de l’autre, la corde qui le relie à son unique mouton. D’un large sourire, il nous salue : « Assalamu alaykoum ! », « Que la paix soit avec vous » ! Quelle belle façon de dire bonjour !  Nos muletiers achètent les légumes en chemin, aux paysans du village. Nos repas sont ainsi variés et  frais du jour, sains et biologiques ! Nos jambes sentent l’effort de la journée et les quelques exercices de yoga au coucher du soleil nous remettent d’aplomb avant de savourer le thé de menthe à la nuit tombée dans un spectacle éblouissant avec vue sur les vastes plateaux d’altitude.

De longues marches ponctuées de petites gâteries

Wasserfall.b KopieLe lendemain, nous passons un col, le Tagoudalt à 2700 mètres pour savourer le panorama de la Chaîne de Tazaghrarate et des sommets avoisinants. Mohamed « ouvre la boutique » comme il aime à le dire, et nous présente un petit sac rempli de dattes, de figues et d’oléagineuses gâteries. Là, nous redoutons le pire, la pause gourmande signifie que notre marche va durer encore un bon moment ! Effectivement, toute la descente sur le sentier dure quelques heures avant de rejoindre le village de Taourirte, au bord de la rivière. Au campement de midi, nous découvrons un bisse et une société très bien organisée, qui vit en autarcie avec une bonne qualité de vie. Notre guide informe qu’à chaque passage, il se fait un devoir d’encourager la population locale à garder ses terres et à ne pas déménager en ville, où la vie s’avère bien plus rude qu’elle ne paraît. Nous remontons aux Azibes de Tamsoult, sur l’alpage aux roches violettes. En chemin, nous découvrons le seul bar d’altitude, qui offre une vue panoramique sur le plateau de Marrakech et un  jus d’orange pressé frais et mousseux ! Nous voilà réconciliées avec la vie sachant en plus que notre campement n’est qu’à quelques centaines de mètres.

Soirée bien orchestrée autour du feu

Dorf am Bergjpg.b KopieA peine arrivées, nous prenons notre première douche dans les mini-cascades environnantes. A la tombée de la nuit, notre équipe de cuisine allume le feu de camp et se joint à nos chants pour entamer les leurs. Ils accompagnent leurs refrains à la batterie de cuisine pour ajouter de l’entrain. Une participante rythme une danse africaine et nous imitons ses gestes en riant de bon cœur. Quel bonheur simple et pur en pleine nature !

Chaque campement se révèle un belvédère

Lachen unter Bäumen.b KopiePour notre quatrième jour de marche, nous nous rendons à l’intérieur du parc national. Quelques filles en profitent pour enlacer et caresser l’agneau rebelle, sorti malicieusement du parc, avant de le rendre à sa mère. Nous ramassons chacune une pierre et y mettons toutes nos peines à l’intérieur puis nous la jetons dans la grande cascade qui engouffre et nettoie nos douleurs. Cette symbolique nous libère et toutes légères nous remontons le col de M’Zik à 2300 mètres. La vue sur la vallée d’Ait Mizane et ses cultures en terrasse nous émerveille de beauté. La boutique de Mohamed est ouverte… la descente sur le sentier muletier sera rude ! Et le campement est déjà installé sur le site Berdoune par nos serviteurs inlassables et serviables, qui ont même cuisiné des frites pour le dernier bivouac. La séance de yoga apaise les muscles. De ce mirador sur la vallée, la nuit s’annonce des plus sereines. Le vent se lève au milieu de la nuit étoilée et provoque un léger inconfort. Toutefois, le beau temps et une douce chaleur nous auront accompagnés durant toute la semaine.

5ème jour : Un chant mélodieux venu du Ciel

Nous terminons notre trekking au village d’Aremd après une descente de quatre heures dans la vallée, au milieu des cultures en terrasse et des champs de pommiers, chargés de fruits. Nous traversons le village d’Imlil, camp de base du Mt Toubkal, où habitent nos muletiers et notre guide Mohamed. Pour la première fois, nous dormons dans un gîte. Et cerise sur le gâteau, le hammam du village est spécialement ouvert pour nous. Pendant que nos guides cuisinent le méchoui à l’étouffé, nous savourons notre bain vapeur. Revigorées, nous partageons le délicieux repas avec notre staff. Mohamed le philosophe chante d’une voix profonde et harmonieuse et notre guide traduit cette ode : « Je remercie la technologie qui a permis à nos deux mondes de se rencontrer !  Nous serons bientôt séparés, mais à travers le ciel, le soleil, les étoiles et la lune, nous serons toujours reliés ! » Sur ses paroles de vie, nous prenons congé de nos muletiers. Nous garderons le souvenir d’un peuple berbère très avenant.Frau und Schaf.b Kopie

Retour à la civilisation

Le lendemain, dans le bus qui nous conduit à Marrakech, nous redoutons le premier contact avec la foule. Ce voyage dans le temps, retour aux sources,  sans apparat ni faux semblants a livré une expérience unique. Liée à l’effort, à la méditation et au dépaysement, cette semaine a pris une dimension spirituelle. Nous sommes reconnaissantes d’avoir pu la vivre dans une ambiance sereine. La simplicité a marqué les esprits, elle donne la paix de l’âme, et cette plénitude offre  la plus belle des rencontres, celle avec soi-même.

 Véronique Coppey

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