Charles Aznavour était un chanteur français, qui aura vécu
une partie de sa vie en Suisse. Mais c’est en Arménie, la terre de ses
ancêtres, qu’il aura un temple à sa grandeur.
C’est un bâtiment musée sur les hauteurs d’Erevan. On y surplombe
le fameux complexe « Cascade », où les touristes affluent en cette
saison. On y voit au loin le mont Ararat et la statue de la mère Arménie. C’est
un sanctuaire de cinq étages qui s’emménage et sera dédié au plus illustre de tous
les citoyens du pays, Shahnourh Varinag Aznavourian, dit Charles Aznavour.
La représentante de la Fondation de l’artiste, qui nous le fait
visiter en exclusivité, nous le promet : tous les meilleurs spécialistes
des high tech ont été mobilisés pour faire du Centre un lieu unique, une
véritable attraction mondiale, qui sera inauguré le 22 mai 2021, jour
anniversaire de la naissance du chanteur. Arche écran, hologramme, concert en
réalité virtuelle, le parcours d’un homme, de son art, de sa musique, de ses
défis, de ses espoirs, de ses réalisations.
Au départ l’Etat arménien voulait offrir un logement au grand
Charles, véritable icône dans ce pays, dont il restera toute sa vie si proche.
Mais l’artiste a toujours vu plus haut, plus loin et a planifié chaque étape de
la réalisation de ce projet, qui sera un musée, un studio d’enregistrement, une
école de formation en musique, en cinéma, un centre d’enseignement du français,
de la langue si pure de cette orfèvre, qui ne se déplaçait jamais sans ses
trois dictionnaires. Le projet est géré aujourd’hui par Nicolas Aznavour et
Kristina Aznavour, co-fondateur et présidente de la Fondation du même nom.
La vie du chanteur sera racontée par sa propre voix, qu’il avait pris soin d’enregistrer. Tous les miracles de la réalité virtuelle ont été convoqués. Les visiteurs traverseront la mer avec ses parents, échappés du génocide. Ils verront à travers les hublots du bateau d’immigrés, les paysages de Constantinople, de Thessaloniki et de la Marseille des années 20. Ils vivront dans le petit appartement de la rue Monsieur le Prince à Paris, reconstitué selon les dessins de Charles Aznavour ! Ils parcourront les années de guerre et de résistance, revivront les concerts de l’Olympia, les tournées mondiales, les films, les œuvres philanthropiques de l’artiste, au lendemain du tremblement de terre de 1988. Un centre à la hauteur de celui que les Américains avaient sacré « artiste du siècle », avant Sinatra !
Charles Aznavour était attendu l’automne dernier au Sommet de
la francophonie et voulait faire visiter le projet au président Macron. A
quelques jours près, la vie ne lui en a pas laissé le temps.
« L’Histoire ne nous a pas gâtés », avait-il
coutume de dire, évoquant le passé douloureux de son peuple. Aujourd’hui,
l’Arménie a réussi sa révolution de velours et mise sur une jeunesse bouillonnante
pour contourner le blocus imposé par des voisins hostiles. Les nouvelles
générations regardent vers l’avenir mais vouent un véritable culte à l’artiste.
« Je rêve donc je peux », disait Charles Aznavour, qui ne s’est
jamais plié aux règles du destin. L’Arménie lui prépare un hommage a la mesure
de son génie.