«Le peuple arménien est sage»

Zara Nazarian

Secrétaire générale de l’Union internationale de la presse francophone (UPF) résidant à Erevan, l’Arménienne Zara Nazarian commente la situation dans son pays, dix-huit mois après la Révolution de velours.

En avril et en mai 2018, des dizaines de milliers d’Arméniens ont manifesté dans la capitale et d’autres villes du pays, réclamant la démission de Serge Sarkissian. A la tête de la nation depuis plus de dix ans, l’ancien président, nommé ensuite Premier ministre, avait modifié la Constitution afin de conserver, avec cette nouvelle fonction, les pleins pouvoirs. Pas au goût des contestataires qui se sont également insurgés contre la corruption et la pauvreté frappant un grand nombre d’Arméniens. La révolution a débouché sur le départ du dirigeant controversé, réputé indéboulonnable. Lui a succédé le journaliste Nikol Pachinian, figure de proue de la contestation.

Propos recueillis par Sonya Mermoud

Zara Nazarian, secrétaire générale de l’Union de la presse francophone – qui a tenu ses assises en 2018 en Arménie – appréhende l’avenir avec optimisme. Même si tout prend beaucoup de temps…

Quels changements concrets a amené la Révolution de velours?

Nous avons eu droit à de vraies élections législatives, les premières depuis 25 ans (en décembre 2018, ndlr). Avant, elles faisaient plutôt l’objet d’arrangements… Il s’agit là d’un changement fondamental. Autre évolution conséquente: la libéralisation du marché d’importation, jusqu’à présent sous monopole. Mais la situation reste ambiguë. Le processus de réformes ne va pas aussi vite qu’on le souhaiterait après un quart de siècle de stagnation.

Quels principaux défis attendent le nouveau gouvernement?

Le redressement de l’économie. Et son retour dans un champ légal. Hors des zones d’ombre. Un objectif freiné par un contre-pouvoir refusant de perdre ses prérogatives. Sur ce front, les choses bougent trop lentement, les investissements restent maigres. Le taux de chômage est estimé entre 16 et 40%! Une personne sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté. Le salaire moyen s’élève à l’équivalent de 300 euros, celui minimum à 100 euros. On ne peut rien faire avec ce dernier montant. Au niveau social, la tâche se révèle immense. Tout est à reconstruire.

Et les syndicats jouent-ils un rôle?

A ce stade pas vraiment. Il s’agit de structures héritées de l’ex-URSS – alors plus une formalité qu’autre chose – qui servaient uniquement à attribuer des places dans les sanatoriums et les maisons de santé…. Aujourd’hui, les syndicats existent toujours davantage sur le papier qu’ils ne sont vraiment actifs. Ils ne sont pas très bien organisés.

La diaspora soutient-elle l’économie?

L’argent investi par la diaspora dans le pays sert à financer des projets précis, non à renflouer les caisses de l’Etat. Comme, par exemple, l’école Tumo consacrée à la création numérique. Les Arméniens de l’extérieur (estimés à 8 millions, ndlr) apportent aussi souvent une aide financière à leur famille.

Le tourisme représente-t-il une source de revenus importante pour le pays?

Il a un réel impact, un effet bienveillant sur l’économie, mais il ne s’agit que d’un secteur parmi d’autres. Dans tous les cas, l’Arménie est une destination de vacances idéale, sûre, qui se distingue aussi par la qualité d’accueil de ses habitants.

Etes-vous confiante pour l’avenir?

Oui, bien sûr, sinon je ne resterais pas dans le pays. Je suis optimiste. Les Arméniens sont un peuple très sage, paisible, constructif, discipliné. La Révolution de velours s’est déroulée sans aucune agressivité. Pas une goutte de sang n’a été versée, pas une fleur n’a été coupée.