Werner Hadorn (1941-2019)

Werner Hadorn nous a quittés le 31 juillet 2019 à l’âge de 78 ans.

Une cérémonie d’adieu aura lieu le 16 août 2019  à 14h  au Cimetière de Bienne-Madretsch, Chapelle 2.

Le plus bel hommage est sans doute celui d’un autre grand journaliste, Mario Cortesi, dont il était l’ami, le compagnon de route et  l’associé au sein du « Büro Cortesi ».

 » En réalité, il a vécu près de 120 ans. C’est l’âge qu’aurait atteint tout autre être humain voulant suivre le rythme de travail et le volume des activités de Werner. Sans exagérer, il a été l’auteur de milliers d’articles, écrit des livres, formé une bonne centaine de journalistes au BÜRO CORTESI et organisé des séminaires dans le domaine du journalisme et de la télévision. Mais Werner était aussi le président des journalistes scientifiques européens, parlementaire local, président du Conseil de Ville et un des poids lourds de la social-démocratie biennoise. Il a abreuvé de ses nombreuses idées le conseil d’administration et la direction de CANAL 3 et de TELEBIELINGUE dont il fut un des membres fondateurs. Infatigable, il était toujours à disposition de ses collaborateurs, aussi bien pour des questions professionnelles que personnelles. Il n’y avait pas de meilleur collègue. En cas de conflit, il était toujours aux côtés des plus faibles. L’homme qui tombait à pic. Il était aussi une encyclopédie ambulante, presque l’ancêtre de Wikipedia. Il avait réponse à tout.

Au sein de la rédaction de BIEL BIENNE, dont il fut aussi un des membres fondateurs, il était l’ardent défenseur de la langue allemande. Quand il enseignait cette discipline au Gymnase alémanique (il avait renoncé à un salaire conséquent pour celui, plus modeste, de journaliste), il se battait contre l’appauvrissement de la langue de Goethe et, pour lui, chaque virgule avait un sens. mais il lui arrivait bien sûr aussi parfois de taper sur les nerfs de ses collègues.

Son manque de ponctualité était légendaire – seul Hans Stôckli a réussi à faire pire. Et les articles de Werner étaient souvent d’une longueur biblique, pouvant déborder sur la page suivante ! Mais il n’était pas simple de les raccourcir car les articles les plus interminables étaient de qualité et même les épîtres les plus longues méritaient d’être lues.

Quand il devait rédiger un bref concept, cela débouchait sur un pavé. Mais aujourd’hui encore, les rédacteurs et les réalisateurs lui sont reconnaissants de les avoir guidés jusque dans les plus petits détails.

Ses voyages à l’étranger étaient pareillement impressionnants: il en revenait avec des films qu’il avait lui-même montés et sonorisés, témoignant à quel point les gens d’autres peuples le fascinaient. Tout ce qui lui apportait de nouvelles connaissances le passionnait. Qu’il s’agisse d’interviewer le cantonnier d’un quartier, le faussaire Elmir de Hory à Ibiza ou le spationaute Claude Nicollier.

Il n’établissait aucune échelle de valeurs parmi les personnes qu’il interrogeait. Pour lui chaque personne qui avait une vie ou une œuvre à raconter valait la peine.

Werner avait cependant surtout la principale qualité qui fait un bon journaliste : la curiosité. Cette curiosité avait fait de lui un excellent intervieweur désireux de mettre à mal les modes de défense de son interlocuteur. Mais tout en restant sérieux, il mettait de la drôlerie, de l’humour et de l’originalité dans son tra vail, comme il avait su le faire ­­­­­­­­­­­­­­­­­­­des années plus tôt en écrivant des textes pour l’ancien cabaret du Théâtre de Poche, dont des sketches écrits pour l’immense Alfred Rasser. Plus tard, il avait ressorti son humour dans la colonne «Vu d’en haut» où il caricaturait le travail du Parlement biennois.

II pilotait des petits avions, jouait de différents instruments de musique, donnait des cours à l’Université de Namibie, a écrit différents traités scientifiques et trouvé le nom de «TELE-BIELINGUE». II avait aussi reçu de nombreuses récompenses pour ses documentaires. Au Festival du film de Locarno, il s’était vu décerner le premier prix Fueter; et à l’occasion des 75 ans de l’Union technique suisse, son «Dossier de l’uranium» avait été primé. Il avait encore plein de projets: il rêvait toujours d’écrire un grand livre sur les religions dans le monde. Malgré son âge avancé, il n’excluait de produire un travail lui permettant de décrocher un doctorat.

Il avait tout simplement une vie trépidante et refusait de biffer de son agenda un point à l’ordre du jour «pas encore réalisé». Autant il pouvait consacrerdu temps et de l’énergie pour ses collaborateurs, autant il délaissait sa santé. Durant des années, il a mis son corps à trop forte contribution, ne s’accordait aucune pause et passait outre les mises en garde de ses collègues ou des médecins. Les journées de travail de 20 heures étaient pour lui «normales», sans pour autant l’empêcher de se soucier de sa famille. Il était vraiment l’homme qui tombait à pic. Les brèves pauses de midi qui résultaient de son mode de vie étaient devenues légendaires: «Je décroche pendant dix minutes». Il s’endormait pour se réveiller exactement dix minutes plus tard et être à nouveau d’attaque!

Un journaliste scientifique, au courant des questions médicales comme lui, aurait dû être bien placé pour connaître les conséquences d’un manque d’écoute de son corps et des signaux qu’il émet. Mais Werner était passé maître dans l’art de nier qu’un jour, il devrait payer la facture. Une longue maladie opiniâtre et grave a fini par lui voler son rythme de vie et l’a obligé à être hospitalisé.

Durant de nombreux mois. nous allons tous regretter Werner Hadorn, avec ses qualités et ses défauts, ses mots réconfortants ou ses remontrances envers des journalistes pris en défaut. Il laisse un grand vide qui ne se comblera jamais. Mais aussi le souvenir d’un collaborateur et d’un ami unique et irremplaçable. Un grand Monsieur. »

Mario Cortesi

Quelques photos de Werner Hadorn (envoyez-nous les vôtres…)